Le Pape décrète une année spéciale dédiée à saint Joseph

Avec la Lettre Apostolique Patris corde (avec un cœur de père), François rappelle le 150e anniversaire de la proclamation de saint Joseph comme Patron de l’Église universelle. À cette occasion, une «année spéciale saint Joseph» se tiendra du 8 décembre 2020 au 8 décembre 2021.

http://www.vatican.va/content/francesco/fr/apost_letters/documents/papa-francesco-lettera-ap_20201208_patris-corde.html

https://www.paris.catholique.fr/lettre-apostolique-patris-corde.html?utm_source=hebdo&utm_medium=email&utm_campaign=2021-01-26_hebdo&utm_content=lettre-apostolique-patris-corde.html


Joseph, père au courage créatif – Paroisse Saint-Joseph des Nations

Joseph, travailleur – Paroisse Saint-Joseph Artisan

Joseph, père dans l’accueil – Paroisse Saint-Joseph des Épinettes

UNE ANNÉE SAINT JOSEPH

À l’occasion du 150e anniversaire de la proclamation de saint Joseph comme Patron de l’Église universelle, le pape François a décrété une année spéciale qui lui est dédiée. Celle-ci a démarré le 8 décembre 2020 et se terminera le 8 décembre 2021. Pour marquer le début de cette année spéciale, le souverain pontife a publié une lettre apostolique intitulée Patris corde (Avec un cœur de père, en latin). Il souhaite en effet faire grandir l’amour pour ce « grand saint » afin que chacun soit poussé à l’implorer pour s’inspirer de « ses vertus » et de « son élan », ainsi que pour obtenir « la grâce des grâces : notre conversion ». La dévotion à saint Joseph est très ancienne, et se retrouve partout où l’Église s’est enracinée. Le pape François a insisté sur l’engagement et la confiance présentes chez saint Joseph. « Il est fortement et courageusement engagé », note le pontife argentin. « On ne perçoit jamais en cet homme de la frustration, mais seulement de la confiance. Son silence persistant ne contient pas de plaintes mais toujours des gestes concrets de confiance ». Pour cette année particulière, différentes initiatives, dont des neuvaines seront lancées. Le sanctuaire Notre-Dame de Grâces (Var) en a démarré une le 10 décembre, qui s’adresse aux pères de famille.
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Un père aimé, un père dans la tendresse, dans l’obéissance et dans l’accueil, un père au courage créatif, un travailleur, toujours dans l’ombre: ce sont avec ces mots, empreints de tendresse, que le Pape François décrit saint Joseph dans la Lettre apostolique Patris corde, publiée mardi 8 décembre à l’occasion du 150e anniversaire de la proclamation de l’Époux de la Vierge Marie comme Patron de l’Église universelle. C’est en effet par le décret “Quemadmodum Deus”, signé le 8 décembre 1870, que le bienheureux Pie IX a voulu que ce titre soit attribué à saint Joseph. Pour célébrer cet anniversaire, le Souverain pontife décrète une Année spéciale dédiée au père putatif de Jésus.

La pandémie de Covid-19, écrit le Pape, nous fait comprendre l’importance des personnes ordinaires, celles qui, éloignées des projecteurs, font preuve de patience, insufflent l’espérance et veillent à créer une vraie co-responsabilité. À l’image de saint Joseph, «l’homme qui passe inaperçu, l’homme de la présence quotidienne, discrète et cachée», et qui, pourtant, «joue un rôle inégalé dans l’histoire du salut».
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Père aimé, tendre et obéissant
Saint Joseph, en effet, a exprimé concrètement sa paternité en ayant «fait de sa vie une oblation de soi, de son cœur et de toute capacité d’amour mise au service du Messie» (Paul VI, homélie, 19 mars 1966). C’est précisément en raison de son «rôle charnière qui unit l’Ancien et le Nouveau testament» qu’il a «toujours été très aimé par le peuple chrétien». En lui, «Jésus a vu la tendresse de Dieu», «celle qui nous fait accueillir notre faiblesse», parce c’est «à travers, et en dépit de notre faiblesse» que se réalise la plus grande partie des desseins de Dieu. «Seule la tendresse nous sauvera de l’œuvre de l’Accusateur», souligne le Saint-Père, et c’est en rencontrant la miséricorde de Dieu, «notamment dans le Sacrement de la Réconciliation, que nous pouvons faire une expérience de vérité et de tendresse», parce que «Dieu ne nous condamne pas, mais nous accueille, nous embrasse, nous soutient, nous pardonne». Joseph est également père dans l’obéissance à Dieu : avec son “fiat”, il sauve Marie et Jésus et enseigne à son Fils à «faire la volonté du Père». Appelé par Dieu à servir la mission de Jésus, «il coopère dans la plénitude du temps au grand mystère de la Rédemption et il est véritablement ministre du salut».
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Un père qui accueille la volonté de Dieu et du prochain
Dans le même temps, Joseph est «père dans l’accueil», parce qu’il reçoit Marie «sans conditions préalables», un geste important encore aujourd’hui, «en ce monde où la violence psychologique, verbale et physique envers la femme est patente». L’Époux de Marie est celui qui, confiant dans le Seigneur, accueille dans sa vie des événements qu’il ne comprend pas, laissant de côté ses raisonnements et se réconciliant avec sa propre histoire. La vie spirituelle de Joseph «n’est pas un chemin qui explique, mais un chemin qui accueille», ce qui ne fait pas de lui un «homme passivement résigné» pour autant. Au contraire: «il est fortement et courageusement engagé», car avec la force pleine d’espérance de l’Esprit-saint, Joseph a su faire aussi place «à cette partie contradictoire, inattendue, décevante de l’existence».

Ce que Dieu dit à notre saint, il semble le répéter à nous aussi: «N’ayez pas peur!», parce que «la foi donne un sens à tout évènement, heureux ou triste», et nous fait prendre conscience que «Dieu peut faire germer des fleurs dans les rochers». Non seulement Joseph ne cherche-t-il pas de raccourcis, «mais il affronte “les yeux ouverts” ce qui lui arrive en en assumant personnellement la responsabilité». Ainsi donc, son accueil «nous invite à accueillir les autres sans exclusion, tels qu’ils sont, avec une prédilection pour les faibles».

Père courageux et créatif, exemple d’amour pour l’Église et les pauvres
Patris corde met en exergue «le courage créatif» de saint Joseph, celui que l’on rencontre dans les difficultés et qui tire de nous des ressources que nous ne pensions même pas avoir. «Le charpentier de Nazareth, explique le Pape, sait transformer un problème en opportunité, faisant toujours confiance à la Providence». Il affronte les problèmes concrets de sa famille, comme le font toutes les autres familles du monde, en particulier celles des migrants. «En ce sens, je crois que saint Joseph est vraiment un patron spécial pour tous ceux qui doivent laisser leur terre à cause des guerres, de la haine, de la persécution et de la misère», écrit encore le Saint-Père. Gardien de Jésus et de Marie, Joseph «ne peut pas ne pas être le gardien de l’Église», de sa maternité et du Corps du Christ: «chaque nécessiteux, chaque pauvre, chaque souffrant, chaque moribond, chaque étranger, chaque prisonnier, chaque malade est “l’Enfant” que Joseph continue de défendre», et de lui, nous apprenons à «aimer l’Église des pauvres».

Un père qui enseigne la valeur, la dignité et la joie du travail
Honnête charpentier qui a travaillé «pour garantir la subsistance de sa famille», Joseph nous enseigne aussi «la valeur, la dignité et la joie» de «manger le pain, fruit de son travail». Ce trait caractéristique du père putatif de Jésus donne au Pape l’occasion de lancer un appel en faveur du travail, «devenu une urgente question sociale» même dans les pays où l’on vit un certain bien-être. «Il est nécessaire de comprendre, avec une conscience renouvelée, la signification du travail qui donne la dignité» qui «devient participation à l’œuvre même du salut» et «occasion de réalisation, non seulement pour soi-même mais surtout pour ce noyau originel de la société qu’est la famille».

La personne qui travaille, «collabore avec Dieu lui-même et devient un peu créatrice du monde qui nous entoure». De là, l’exhortation du Pape «à redécouvrir la valeur, l’importance et la nécessité du travail pour donner naissance à une nouvelle “normalité” dont personne n’est exclu». Au regard de l’aggravation de la pandémie de Covid-19, François appelle à «revoir nos priorités» afin que nous puissions nous engager à dire: «aucun jeune, aucune personne, aucune famille sans travail!»
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Père dans l’ombre, décentré par amour de Marie et Jésus
Prenant appui sur L’ombre du Père, livre de l’écrivain polonais Jan Dobraczyński, le Souverain pontife décrit la paternité de Joseph envers Jésus comme «l’ombre sur la terre du Père Céleste». «On ne naît pas père, on le devient», observe François, «parce qu’on prend soin d’un enfant», en assumant la responsabilité de sa vie. Malheureusement, dans la société contemporaine, «les enfants semblent souvent être orphelins de père», de père capable «d’introduire l’enfant à l’expérience de la vie», sans le retenir ou le posséder, mais bien en le rendant «capable de choix, de liberté, de départs». En ce sens, Joseph est qualifié de «très chaste», ce qui exprime «le contraire de la possession»: il «a su aimer de manière extraordinairement libre» pour mettre au centre de sa vie, Marie et Jésus.

Le bonheur de Joseph est dans «le don de soi»: jamais frustré mais toujours confiant, Joseph reste silencieux, sans se lamenter, mais pose toujours «des gestes concrets de confiance». Sa figure devient d’autant plus exemplaire dans un monde «qui a besoin de pères, et refuse les chefs», «refuse ceux qui confondent autorité avec autoritarisme, service avec servilité, confrontation avec oppression, charité avec assistanat, force avec destruction». Le véritable père est celui qui «renonce à la tentation de vivre la vie des enfants», et en respecte la liberté, parce que la paternité vécue pleinement rend le père «inutile» à partir du moment où «l’enfant est autonome et marche tout seul sur les sentiers de la vie». Être père n’est jamais «un exercice de possession», souligne François, mais «un signe qui renvoie à une paternité plus haute», «au Père céleste».

La prière quotidienne du Pape à saint Joseph
Patris corde, qui se conclut par une prière à saint Joseph, révèle également -à la note 10- une habitude de vie du Pape François: tous les jours en effet, «depuis plus de 40 ans», le Saint-Père récite une prière à l’Époux de Marie «tirée d’un livre français de dévotion des années 1800 de la Congrégation des religieuses de Jésus et Marie». Le Pape explique qu’il s’agit d’une prière «qui exprime dévotion et confiance» à saint Joseph mais qui parle aussi d’un «certain défi», car elle se termine avec ces mots: «Qu’il ne soit pas dit que je t’ai invoqué en vain, et puisque tu peux tout auprès de Jésus et de Marie, montre-moi que ta bonté est aussi grande que ton pouvoir».

Salut, gardien du Rédempteur,
époux de la Vierge Marie.
À toi Dieu a confié son Fils ;
en toi Marie a remis sa confiance ;
avec toi le Christ est devenu homme.
O bienheureux Joseph,
montre-toi aussi un père pour nous,
et conduis-nous sur le chemin de la vie.
Obtiens-nous grâce, miséricorde et courage,
et défends-nous de tout mal. Amen.

« Après Marie, Mère de Dieu, aucun saint n’a occupé autant de place dans le Magistère pontifical que Joseph, son époux », écrit le pape François. Le bienheureux Pie IX l’a déclaré « Patron de l’Église Catholique » en 1870, puis le vénérable Pie XII l’a présenté comme « Patron des travailleurs » en 1955 et enfin saint Jean Paul II comme « Gardien du Rédempteur » en 1989.

Indulgence plénière pour «l’Année saint Joseph»
La Lettre apostolique Patris corde s’accompagne d’un décret de la Pénitencerie apostolique annonçant «l’Année spéciale de saint Joseph» décrétée par le Pape et la concession relative du «don d’indulgences spéciales». Il donne aussi des indications spécifiques pour les journées traditionnellement consacrées à la mémoire de l’Époux de Marie, comme le 19 mars et le 1er mai, ainsi que pour les malades et les personnes âgées, «dans le contexte actuel de l’urgence sanitaire».

Joseph, constate-t-il, sans être un père biologique, a joué ce rôle paternel souvent négligé auprès du jeune Jésus. La paternité divine du Christ ne doit pas faire oublier celle dont peut se prévaloir le charpentier. Depuis Bethléem jusqu’à Nazareth en passant par l’Égypte ou Jérusalem, Joseph a été un père. Par son éducation, sa protection et son amour, il a agit même comme une « ombre de l’unique Père céleste », estime l’évêque de Rome.

Saint Joseph, note le pontife, est « un intercesseur, un soutien et un guide dans les moments de difficultés ». Il est l’image d’une sainteté invisible, celle du quotidien, « de la porte d’à coté » ou « de la deuxième ligne », qui se révèle quand tout va mal, et vient réconforter et secourir. En ce sens, Joseph a « un rôle inégalé dans l’histoire du salut », insiste le primat d’Italie.

Un saint aimé du peuple et des papes

La dévotion à saint Joseph est très ancienne, et se retrouve partout où l’Église s’est enracinée. Mais Joseph est une figure que les papes, depuis Pie IX, ont particulièrement mise en avant. « Après Marie, Mère de Dieu, aucun saint n’a occupé autant de place dans le Magistère pontifical que Joseph, son époux », reconnaît d’ailleurs le pape François qui voue lui-même une affection toute particulière pour le patron de l’Église universelle.

La plus sûre espérance chrétienne après la Vierge

En annonçant l’organisation d’une année Saint Joseph un 8 décembre, le pape François rend aussi hommage à l’importance qu’a su donner son prédécesseur Pie IX (1846-1878) au père nourricier du Christ. Un an après son élection, le pontife italien avait en effet établi la fête de Saint Joseph au troisième dimanche après Pâques, soulignant le rôle de celui qu’il avait décrit en 1854 comme « la plus sûre espérance de l’Église après la Sainte Vierge ». Le statut de Joseph dans les Évangiles est peu détaillé et s’efface nettement derrière la Vierge Marie et le Christ. Mais cette place discrète justifie paradoxalement selon Pie IX le choix d’en faire, en 1870, le patron de l’Église universelle. Et une fois de plus, c’est lors d’une période de crise – en l’occurrence celle de la perte des États pontificaux – qu’un pontife se place sous la protection du saint charpentier. 150 ans plus tard, le pape François renouvelle lui aussi l’acte de dévotion de son prédécesseur, en faisant l’artisan de la nouvelle charpente de nos sociétés.

En 1889, dans son encyclique Quamquam pluries, le pape Léon XIII (1878-1903) avait pour sa part donné une belle explication au statut de patron de l’Église universelle défini par Pie IX. Pour lui, « la divine maison que Joseph gouverna avec l’autorité du père contenait les prémices de l’Église naissante ». Joseph est le pape d’une fécondation créative et guidée par la grâce. Comme Marie devant l’Ange ou Jésus à Gethsémani, Joseph « a su prononcer son “fiat“ », déclare pour sa part l’actuel souverain pontife dans sa lettre du 8 décembre 2020. « Être père signifie introduire l’enfant à l’expérience de la vie, à la réalité. Ne pas le retenir, ne pas l’emprisonner, ne pas le posséder, mais le rendre capable de choix, de liberté, de départs », affirme-t-il encore.

La noblesse du travailleur

Benoît XV (1914-1922), dans Bonum sane (1920), avait quant à lui loué la noblesse du charpentier : « Car Joseph, de sang royal, uni par le mariage à la plus grande et la plus sainte des femmes, réputé père du Fils de Dieu, passa sa vie à travailler, et gagna par le labeur de l’artisan le soutien nécessaire de sa famille. » Dans une période marquée par les révolutions prolétaires, Benoît XV voyait en Joseph la preuve que « la condition des humbles n’a rien de honteux ». Une réflexion poursuivie par son homonyme Benoît XVI, en 2006, qui avait affirmé au cours d’une homélie : « Il faut vivre une spiritualité qui aide les chrétiens à se sanctifier à travers le travail, en imitant saint Joseph qui, chaque jour, a dû pourvoir aux besoins de la Sainte Famille de ses propres mains et que, pour cette raison, l’Église indique comme Patron des travailleurs ». Le pape allemand avait confié au saint protecteur « les jeunes qui parviennent avec difficulté à s’insérer dans le monde du travail, les chômeurs et ceux qui souffrent des problèmes dus à l’importante crise de l’emploi », une thématique une nouvelle fois saluée par le pape François dans Patris corde.

En 1989, dans son encyclique Redemptoris Custos, Jean Paul II avait lui aussi consacré un texte à l’importance de Joseph. Il avait pour sa part souligné « l’exemple de saint Joseph qui s’est consacré tout entier à servir le Verbe incarné ». Sept ans auparavant, en 1982, il lui avait de plus accordé le titre de « gardien du Rédempteur », que justifiait selon lui sa « foi héroïque à toute épreuve ». Une déclaration confirmée par le pape François en 2020 : « Le bonheur de Joseph n’est pas dans la logique du sacrifice de soi, mais du don de soi. »

Joseph : un exemple de sagesse pour tous les chrétiens – Angélus du 22 décembre 2019

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Saint Joseph, le père adoptif de Jésus

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Saint Joseph figure dans l’histoire de la Bible et de l’Église comme « le grand silencieux ». S’il nous est possible d’accéder à l’âme de la Vierge Marie à travers ses quelques phrases retenues dans les évangiles, il n’en va pas de même pour son époux, Joseph. Pas une seule phrase de lui n’a été rapportée par les évangélistes.
Pourtant, ce silence non seulement ne nuit pas à sa sainteté mais il accorde une grande profondeur à sa mission. Joseph a reçu l’annonce de l’ange en songe. Il s’est levé pour accomplir la mission demandée par Dieu : prendre Marie pour épouse et veiller sur l’enfant Jésus qui va naître, non pas du vouloir de l’homme mais de l’Esprit Saint.

C’est pourquoi saint Matthieu l’évangéliste l’appelle « juste ». Pour nous, le mot justice nous fait penser à la justice sociale et aux revendications salariales. Dans la Bible, la justice équivaut à la sainteté. Joseph est juste, non seulement parce qu’il a travaillé correctement dans son atelier d’artisan dans le bâtiment mais parce qu’il a ajusté sa volonté à celle de Dieu. La prière du Notre Père a pris chair en lui : « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ».

Un modèle pour les pères comme pour les évêques

La volonté de Dieu conduit précisément le croyant à la plus haute réalisation de son existence, malgré les apparences. Nombreux sont ceux qui plaignent Joseph. Un ami m’avouait un jour : « J’ai toujours eu pitié de saint Joseph qui me semblait un personnage falot chargé d’un mauvais rôle. Il n’était ni tout à fait un mari ni tout à fait un père. Mais j’ai découvert la force de sa mission quand je suis moi-même devenu père. À la naissance de mon premier enfant, j’ai été saisi d’un sentiment étrange. Ma femme tenait dans ses bras le bébé qui venait de sortir de son sein. Il faisait partie d’elle-même. Ce n’était pas mon cas. Le bébé s’interposait maintenant entre la femme que j’aimais et moi. Recouvert de sang, ses cris ne me le rendaient pas attirant. Je me suis dit intérieurement qu’il me fallait l’accepter, l’adopter et le reconnaître comme mon enfant. Et à ce moment-là, j’ai pensé à saint Joseph. Me voilà en train de vivre sa propre démarche d’adoption. Quand mon deuxième enfant est arrivé, j’ai été de nouveau habité par les mêmes sentiments et par la nécessité d’accomplir l’adoption, même si je n’avais aucun doute sur ma paternité. »
Un autre ami me faisait part un jour de ses difficultés avec son père. D’après les explications de sa mère, lors de sa naissance, son père n’avait pas apprécié sa couleur. Il ne l’avait pas adopté. Il ne l’aima pas vraiment. Dans les pays à fort métissage, le type racial des enfants peut varier au cœur du même couple. J’ai connu une famille à La Réunion où trois filles des mêmes parents représentaient les trois continents – asiatique, africain et européen -, en fonction de la couleur de leur peau et de leurs cheveux.
Au fond, toute personne se trouve face au dilemme de l’adoption d’une manière ou d’une autre. Pas d’adoption, pas d’engagement, pas d’amour. Il me semble possible de parler d’adoption dans les différentes situations de l’existence : notre corps, notre famille, notre histoire, notre pays, notre sexe, nos travaux et missions… Nous avons à les adopter sous peine de vivre en contradiction stérile avec nous-mêmes. À quoi bon rêver d’un autre corps, d’une autre famille, d’un autre pays ou d’une autre Église que les nôtres ? « Avec des si on mettrait Paris en bouteille » dit le proverbe. Le complexe de victime et l’illusion d’une autre vie que celle que nous avons reçue ne conduisent qu’aux protestations et à l’amertume, à l’image de celui qui n’avait reçu qu’un talent au lieu de cinq ou de dix dans la parabole de Jésus (Matthieu 25, 14-30) et qui passait son temps à critiquer et à répandre un mauvais état d’esprit. Les comparaisons sont odieuses. Pourquoi se comparer alors que chacun est unique ? Nous nous connaissons mal nous-mêmes et nous prétendons connaître les chemins dans l’esprit des autres ?

L’exemple de saint Joseph nous invite à l’action. Saint Joseph a vécu heureux : « Heureux ceux qui écoutent la parole du Seigneur et la mettent en pratique » (Luc 11, 28). Si certains peintres dépeignent saint Joseph quelque peu triste et en retrait par rapport à la Vierge Marie et à l’enfant dans le souci de manifester qu’il n’est que le père adoptif de Jésus, Fra Angelico le présente rayonnant dans son rôle. Dans les fresques du couvent des Dominicains de Saint-Marc à Florence, le saint patron des artistes met en lumière le sourire et la paix de l’âme de Joseph, comblé dans sa mission.

L’étymologie du mot « évêque » nous révèle le sens de cette charge : « veiller sur », « surveiller ». En ce sens, saint Joseph est le modèle des évêques, surveillants du troupeau qui leur est confié par Dieu. Il arrive que saint Joseph soir représenté dans l’art revêtu des vêtements du grand-prêtre. En effet, si le grand-prêtre veillait sur le temple, saint Joseph a veillé sur son épouse, le temple de Dieu, « le buisson ardent », symbole de la présence de la divinité. Saint Paul, inspiré par l’Esprit Saint, écrit aux chrétiens de Colosses qu’en Jésus « habite corporellement la plénitude de la divinité » (Colossiens 2, 9). La Vierge Marie a porté en son sein corporellement cette plénitude de la divinité et saint Joseph a veillé sur elle et sur le développement intégral de son fils adoptif, Jésus.

Abba ! Père !

« Tel père, tel fils », disons-nous souvent en constatant l’influence de l’éducation paternelle sur les actions de l’enfant. De son père Joseph, Jésus a reçu une éducation humaine, spirituelle et professionnelle. Combien de fois Jésus n’a-t-il pas prononcé le mot abba en s’adressant à son père Joseph ? C’est précisément ce mot abba de la langue araméenne, langue maternelle et paternelle de Jésus, qui deviendra la prière originale de Jésus à Gethsémani la veille de sa Passion. Abba sera aussi la prière de l’Esprit Saint dans le cœur des chrétiens comme le décrit l’apôtre saint Paul dans les épîtres aux Romains (8, 15-16) et aux Galates (4, 6). Maître Eckhart, le grand mystique dominicain de l’École rhénane du XIVe siècle, affirme que nous ne prions pas mais que « nous sommes priés », car ce n’est pas nous qui prions mais l’Esprit qui intercède pour nous dans des gémissements ineffables.
Si des enfants tremblent au souvenir violent de leur père, le mot abba évoquait pour Jésus la tendresse et l’amour fidèle de son père Joseph. C’est ce mot qu’il choisit pour s’adresser à Dieu son Père au jour de l’angoisse à l’approche du supplice de la croix : « Abba ! Père ! Éloigne de moi ce calice mais que ce ne soit pas ma volonté mais la tienne qui se fasse » (Marc 14, 36).

Bien que Nazareth ne soit pas citée dans la Bible, sa synagogue possédait un rouleau important du prophète Isaïe comme le rappelle saint Luc l’évangéliste. Au cours de sa vie publique, Jésus a imité le geste de son père dans la même synagogue de Nazareth en lisant en hébreu le passage du prophète Isaïe qu’il commente en araméen pour proclamer son accomplissement : « L’Esprit du Seigneur repose sur moi. Il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres » (cf. Luc 4, 16-21).

Il fallait que Jésus naisse de la tribu de David car il était le Messie annoncé par les prophètes (cf. Matthieu 1, 16). Jésus sera acclamé comme « fils de David » parce que fils de Joseph.

La prière eucharistique numéro un cite saint Joseph. Sa participation au mystère du Salut est fondamentale.

Les artistes chrétiens se sont plus à représenter la mort de saint Joseph honoré par son épouse et par son fils Jésus. Joseph a aimé Jésus. Jésus a aimé son père. Puissions-nous l’aimer comme Jésus l’a aimé ! Confions-lui nos soucis matériels et spirituels. Homme de prière, il intercédera pour nous auprès de son fils Jésus. Puissions-nous imiter aussi sa foi et sa fidélité !

Fr. Manuel Rivero, o.p.
7 avril 2012