Méditation du frère Thierry pour le dimanche 9 aout

Seigneur je m’enfonce ! Seigneur, sauve moi !


D’abord absent, Jésus apparaît comme un fantôme dans la nuit, comme une voix portée par le vent une main forte tendue qui nous saisit. Un crescendo, dans une liturgie faite de vagues, de tempête, de ténèbres.
Ce Jésus qui passe de rencontre en rencontre est émotionnant : à peine a-t-il congédié la foule comblée, il ressent le besoin de l’étreinte de son Père et il monte sur la montagne pour prier. A à l’aube, il éprouve le désir de retourner auprès des siens. Il passe d’une étreinte à une autre, ainsi se meut-il.
A ce moment précis, l’Evangile raconte cette histoire de bourrasque, de peur et de miracle qui échoue. Pierre, vu son caractère, demande : si tu es le fils de Dieu, commande-moi de venir à toi en marchant sur les eaux. Venir à toi ! voilà une des plus belles requêtes de toute l’Ecriture. En marchant sur les eaux ! Voilà une des demandes les plus puériles de prodige, une exhibition de force qui ne vise le bien de personne. Et de fait le miracle se termine mal.
Pierre descend de la barque et marche sur les eaux, mais au moment où il constate le miracle, il commence à douter et s’enfonce. Homme de peu de foi parce qu’il doute ? Non. Pierre est un homme de peu de foi non parce qu’il a douté du miracle, mais parce qu’il le cherchait. Les miracles ne servent pas la foi. En effet, Dieu ne s’impose jamais, il se propose. Les miracles au contraire s’imposent et ne convertissent pas. Pierre lui même le démontre : il fait quelques pas miraculeux sur l’eau et au moment même où il expérimente le vertige du prodige sous ses pieds, à ce moment précis, sa foi est en crise : Seigneur, je m’enfonce !
Tant que Pierre regarde le Seigneur et se fixe sur la parole de Jésus : Viens ! il peut marcher sur la mer. Quand il se regarde lui-même, ses difficultés, les vagues, les crises, il se bloque dans le doute. Et c’est toujours ainsi. Si nous regardons le Seigneur, si nous écoutons sa Parole, si nous mettons en branle des projets, nous avançons. La peur, elle, stoppe et mortifie la vie. Si nous portons nos regards sur nos difficultés, nos complexes, nos échecs, nos péchés, si nous tenons notre regard baissé, nous entamons une lente et inexorable descente dans les abîmes.
Oui, ce matin, je remercie Pierre d’entremêler foi et doute, d’osciller entre miracle et abîme. Au cœur du miracle, Pierre doute : « Seigneur je m’enfonce » ; dans le doute, il croit : « Seigneur, sauve moi ! »
Le doute et la foi sont inséparables et continueront à s’affronter dans le cœur de l’homme. Mais maintenant je sais que tous mes naufrages peuvent être sauvés par un cri d’invocation dans la nuit, dans la tempête comme pour Pierre, de la croix comme pour le larron agonisant.
Bon dimanche
fr. Thierry Knecht, O.SS.T.