Homélie du 1er dimanche de l’Avent

par le père Thierry Knecht


I Dimanche de l’Avent A

« Un professeur de management donnait un cours sur la gestion du temps à un groupe de chef d’entreprise. Dans une boite carrée transparent il met 12 balles de tennis et demande : « La boite est elle pleine ? » – Oui répondirent les élèves. Il ouvre la boite, et verse du gravier qui se glisse entre les balles de tennis. « Et maintenant ? ». Les étudiants consternés restent muets ; et l’enseignant y ajoute d’abord du sable et enfin de l’eau. Et il conclut qu’avez vous compris. Un des assistants, quoique téméraire, lui répond: « Si nous nous organisons bien, on trouvera le temps pour tout faire”. Et non, lui répondit le professeur, si j’avais mis les balles de tennis en dernier après le gravier et le sable, je n’aurais pas pu les y mettre. Dans la vie, voyez vous, il faut avant toute chose définir ses priorités, le reste s’adaptera ».

Ce récit transmis par un ami manager et que je raconte souvent à des amis non suspects de cléricalisme, me plait parce qu’il dit ce que tout homme, croyant ou non, expérimente : victime du bourreau de vivre. Je m’explique : nous avons atteint le paradoxe (un parmi tant d’autres), où nous avons énormément amélioré la qualité de la vie : confort, nourriture, santé. Tout cela devrait nous permettre de pouvoir jouir et de profiter de tant de belles choses mises à notre disposition. En temps réel, j’envoie un message à mon patron qui se trouve en Australie et je vois sur l’écran le sujet de mon prochain travail. Ainsi, je gagne du temps et je travaille plus vite, je devrai donc normalement avoir plus de temps pour pouvoir vivre. Et ben non, c’est tout le contraire, en cette fin d’année, nous avons tous l’impression que 2019 est passé tellement vite et j’ai la sensation d’avoir perdu le temps, de n’avoir rien fait. Oui, la vie passe sans que nous nous en rendions compte et nous sommes happer par un mécanisme pervers qui exige toujours plus et nous empêche d’exister : de profiter de la campagne, de câliner ma compagne, de jouer avec mes enfants.

L’Avent est justement la tentative de se secouer, de bouger, d’éviter de s’endormir, d’être hébété ou somnolent. Quelqu’un d’entre vous pourrait me rétorquer : « Vous rêvez, mon frère, je n’ai même pas le temps de dormir à force de travail! » Justement. Comme aux temps de Noé, nous dit le Seigneur aujourd’hui : tous vaquaient à leurs occupations, sans en avoir conscience du pourquoi. Le vrai risque que nous courrons est de laisser passer des mois, des années, la vie, sans être réellement protagonistes de notre histoire, sans même se poser la question s’il existe autre chose à ce que je vis. Et la foi invite à nous secouer, à devenir protagonistes, à aller au delà de l’apparence. Dieu est le grand absent de notre temps justement parce que l’homme ne réussi pas à être réellement homme. Voilà donc l’attente, l’attente par excellence, l’attente de Dieu.

L’avent exige le courage de nous arrêter et d’attendre Dieu, le courage cru de mettre en discussion nos petites et fragiles certitudes. L’avent est le temps pour découvrir le vrai sens du Temps. Alors, frères et sœurs, il est nécessaire de nous réveiller, de nous secouer et d’agir. De revêtir les armes de la lumière. Jésus nous rappelle que le jour du Seigneur arrivera à l’improviste, qu’il nous prendra par surprise que Dieu demande que nous ayons conscience de ce que nous sommes en vérité, et que nous ne nous laissions pas balloter au gré des modes. Nous pouvons vivre sereinement notre vie dans l’attente, travailler, se divertir mais orienter vers l’Autre ou non.

Le même événement est vécu de manière opposée : l’un est pris, l’autre laissé. Un est conscient et rencontre Dieu, l’autre ne se pose même pas la question de la vie ni de la foi. Dans moins de 4 semaines, nous serons à Noël : mémoire de la venue historique de Jésus, rappel de la venue définitive du Seigneur Jésus. Et la question inquiétante que Noé nous pose, que Jésus nous pose : « Et dans ton cœur, Dieu est-il déjà né ? ».

Mettons en ordre les balles de tennis de notre vie et si cela est nécessaire vidons la boite afin de les introduire avant qu’il ne soit trop tard.