Homélie 30 ème dimanche du temps ordinaire

par le père Thierry Knecht


XXX Dimanche du Temps ordinaire (Année C)
On parle souvent d’ennemis. Ennemis de l’occident, de l’Amérique, de la civilisation. Mais on a du mal à définir clairement qui sont vraiment les ennemis, ces ennemis. L’idée que les ennemis sont généralement des terroristes crée quelques embarras à notre diplomatie qui cherchant des appuis internationaux se trouvent devant des Etats absolument solidaires dans la lutte contre le terrorisme, qui comprennent portant cette lutte d’une manière légèrement opportuniste. Chacun à ses terroristes : des tchéchènes aux kurdes, des résistants népalais, des yéménites etc…. Comme pour dire, nous reconnaissons la lutte contre le terrorisme et vous fermez vos yeux sur nos terroristes.
Durant une retransmission sur radio Vatican qui cherchait à délimiter la frontière entre terrorisme et résistance, je me suis rappelé de Youssuf, rencontré à Rome.
Youssuf était curé de Rena, près de Bethleem, il est palestinien de race, citoyen israélien et chrétien de foi. Réfléchissant sur la question palestinienne, il me disait : « Pour un arabe, pour un juif, Dieu est ici, il est cette terre. Donc qui touche la terre touche Dieu, qui prend la terre prend Dieu et devient ton ennemi. Pour le chrétien, au contraire, l’ennemi n’est pas l’autre, il est en nous « .
Les deux personnages de la parabole, le pharisien et le publicain, sont deux manières différentes d’être disciples. Des modes tout à fait différents. Le pharisien dit vrai : il vit la foi avec enthousiasme, il pratique la justice, il est fidèle et il est un modèle et il en est conscient. Il prie aussi de manière juste : il remercie Dieu, avant de lui demander quelque chose. Mais il présume d’être juste et déprécie les autres, il a un ennemi, en dehors de lui. Il regarde avec dédain le publicain (qui est réellement un pécheur !) et garde ses distances. Le publicain, au contraire n’ose pas lever son regard : il connait son péché, il n’a pas besoin de faire son examen de conscience : le pharisien le lui a déjà fait ! Il demande seulement pitié.
Cela m’arrive aussi, j’ai du mal à me regarder avec équilibre, à ne pas déprimer en des moments de difficultés, où émergent plus évidemment mes limites et mes défauts. J’ai du mal à ne pas être tenté à montrer aux autres le meilleur de moi. Mais surtout j’ai du mal à me comparer sereinement aux autres. Si seulement nous comprenons que chacun de nous est unique et donc incomparable ! Si nous savons nous aimer comme Dieu nous aime, sans excès ! Non, je n’ai pas besoin d’observer le pire ou le meilleur de ceux qui m’entourent pour m’exalter ou pour me déprimer, tout particulièrement dans le domaine de la foi. L’erreur du pharisien se trouve justement là : il est juste et il conscient de l’être, mais il n’a pas de compassion ni de miséricorde. Miséricorde et compassion qu’au contraire Dieu démontre envers le publicain, qui en ressort changé.
Voilà une bonne bataille à mener pour nous : celui de trouver un juste équilibre : sans trouver des coupables en dehors, sans masochisme dépressif. Nous devons être conscients de notre propre fragilité et de notre grandeur, pardonnés qui sait pardonner, pacifiés qui sait pacifier. Si nous avions tous le courage de faire un pas en arrière ! De descendre de notre piédestal que nous nous faisons pour grandir en humanité et en vérité ! L’ennemi est en nous et non pas à l’extérieur. C’est mon égoïsme, la partie ténébreuse de ma personne qui doit être illuminée par l’Evangile, c’est découvrir l’autre, l’accueillir et aussi m’accueillir.
Je désire commencer à construire la paix en commençant par la seule personne sur qui j’ai de l’influence : moi-même. Quelle harmonie trouverait-on dans les couples avec un peu plus d’humilité et de vérité, avec quelques excuses-moi en plus…
Et l’Eglise, communauté de croyants, peuple de pardonnés et non de parfaits. Les paranoïas, les prises de distance d’avec l’Eglise que j’entends autour de moi (mais excusez-moi de quelle Eglise s’agit-il ? celle que nous avons dans la tête ?), souvent se basent sur des équivoques : le chrétien doit être irrépréhensible, non hypocrite. C’est vrai mais seulement en partie. Le chrétien est et reste un pécheur, mais touché par la tendresse du pardon. Nous nous trouvons dans l’Eglise nous pour lustrer notre auréole mais pour célébrer cette miséricorde qui nous a tous changé. Voilà le trésor véritable.