Dimanche 23 décembre 2018

1) le regard qui fait vivre
Que voit-on dans les yeux d’une personne ? Dans ses yeux, on lit tout son art d’aimer et de se laisser aimer. Avez-vous déjà rencontré des personnes dont l’art est de faire exister l’autre dans la bienveillance, en fait l’art de l’autre ? Vous êtes-vous demandé comment Marie regardait chaque personne qu’elle rencontrait ?
Combien plus depuis l’Annonciation. Ce récit de sa rencontre avec l’Ange se termine ainsi : « qu’il me soit fait selon ta parole ». Quand nous disons dans le Notre Père : « que ton règne vienne , c’est le verbe genomai à l’impératif. C’est le même verbe qu’utilise Marie mais à l’optative. Elle invite le Seigneur, s’il le désire, à entrer au cœur de sa vie et à laisser l’Esprit Saint faire grandir en elle le mystère que l’ange vient de lui annoncer. « Si tu le désires, alors que ton projet prenne naissance en moi et qu’il grandisse ». C’est à partir de ce moment que l’Esprit saint va œuvrer en elle et au delà d’elle.

2) Pourquoi Marie se hâte-t-elle pour visiter sa cousine Elisabeth, enceinte de six mois ? L’Esprit Saint va « jeter » Marie sur la route. Luc précise qu’elle se rend de Nazareth à Eim Karen en hâte. 150 kms pour atteindre les collines de Judée, tout à la joie de l’expérience de l’Esprit Saint. Depuis l’Annonciation, tout se précipite rapidement. Dieu est l’œuvre dans l’invisible, tellement à l’œuvre que la manière de voir de Marie en est illuminée. L’Artiste par excellence, c’est l’Esprit Saint. A travers Lui, notre regard, le monde se ré-enchante. Qui plus est, les rencontres en sont illuminées.
C’est tellement puissant que cela surgit de l’invisible pour se manifester dans les paroles et les gestes qu’échangent cette jeune femme, Marie et cette vieille femme sa cousine Elisabeth, toutes les deux enceintes.
Marie a salué Elisabeth. Qu’a-t-elle dit de plus que le shalom traditionnel ? Un mot tout simple de politesse et pourtant ce mot fait gonfler la voix d’Elisabeth et déclenche en elle un bondissement de l’enfant qu’elle porte.
Elisabeth dans la joie des naissances toutes proches de Jésus et de Jean-Baptiste fait l’expérience de cette communication vitale par Marie. Les deux futures mamans vont exprimer une allégresse qui dépasse de beaucoup la joie humaine de porter et d’enfanter la vie.

3) Marie, communiquant la joie ! Mais qui agit dans cette communication ? C’est l’Esprit Saint qui est à l’œuvre, c’est l’Esprit Saint qui a recouvert de son ombre Marie, c’est encore lui qui l’a conduite en hâte vers sa cousine Elisabeth, c’est l’Esprit Saint qui a fait tressaillir l’enfant, c’est l’Esprit Saint qui fait prophétiser Elisabeth, c’est l’Esprit Saint qui procure à ces deux futures mamans une joie qui dépasse tout.
Cette allégresse venue de l’Esprit Saint exprime un bonheur en Dieu, envahissant tout l’être, corps compris et cela dans la sobre ivresse de l’esprit Saint.
Comment m’est-il donné que vienne à moi la mère de mon Seigneur ….crie Elisabeth
Communication vitale, je dirai, de ventre à ventre, de la vie divine, dans une profonde explosion de joie. Elisabeth a reconnu Jésus à peine conçu comme son Seigneur. C’est dire que l’Esprit Saint a illuminé de sa lumière son intelligence et déjà la bonne nouvelle se propage.
4) Non seulement le regard de Maie fait exister l’autre dans sa profonde dignité mais elle fait naître en l’autre le désir de visiter sa propre vie intérieure. C’est ce à quoi nous invite cette proximité de Noël qui vient. Que rayonne sur nous, comme a rayonné sur Marie, l’action de l’Esprit Saint. Que le mystère de Jésus qui a grandi en Marie nous enveloppe de sa beauté et vienne toucher en nous cet enfant éternel qui ne demande qu’à grandir. Que nos yeux en soient illuminés, que rayonne sur nous la joie de Noël.
Marie est pour nous comme un appel au rayonnement de notre vie intérieure.
Marie s’en va pour accomplir une mission, une évangélisation. L’Enfant qu’elle porte, elle doit le porter aux autres. C’est une sorte d’extase, une sortie de soi, tout le contraire d’un renfermement sur son propre vécu spirituel. Marie est donc saisie dans la mission de Jésus !
Marie goûte déjà la fécondité de sa mission associée à la mission de Jésus.
Nous aussi notre fécondité spirituelle est cette plongée en nous même, non pas un repli introspectif sur nous-même, non pas de l’introspection qui nous mène qu’à nous même mais bien plus que cela, un mouvement de notre propre esprit porté par l’Esprit saint qui vient rayonner autour de nous toute la beauté intérieur que Dieu a mis en nous.
Je ne résiste pas à vous relire le fameux texte du Père jésuite Maxime Gimenez que je ne cesse de proposer à notre méditation.
Lorsque l’on parle d’intériorité, on songe spontanément à cette sorte de repli introspectif sur soi que suggère le mouvement d’intériorisation ; mais si la «plongée» ne s’effectue que dans un sens, à savoir dans la profondeur de sa propre subjectivité, on est encore bien éloigné de l’intériorité authentique. L’intériorité n’est pas un état d’esprit mais un mouvement de l’esprit, elle est infiniment plus proche de la compassion que de l’introversion. Le mouvement de l’intériorité consiste, précisément, à se rendre proche de ce qui « est », il consiste à se tenir dans la proximité de ce qui « est », tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de soi, en sorte que l’on parvienne à se situer en conscience au cœur de tout ce qui « est », par le fait de pouvoir se maintenir consciemment dans le mouvement pur de la vie où s’opère la réconciliation permanente entre l’intérieur et l’extérieur de toute réalité. Loin d’être un repli sur soi, l’intériorité est une attitude de non distance vis-à-vis des êtres et de soi-même, par la vertu d’une ouverture totale du cœur. Maxime Gimenez.

5) Dans la nuit de Noël nous ferons mémoire du Ciel qui s’ouvre. Un acte de foi nous sera nécessaire. Peut-être que le scénario de Claus Drexel d’un film de fiction qu’il est en train de tourner peut nous préparer à cet acte de foi qui relie la terre et le Ciel. Catherine Fro interprète Christine une femme habitant un squat, portant difficilement tout le poids de sa souffrance. C’est un enfant érythréen qui va percer sa carapace sensée la protéger des autres. L’enfant a perdu sa maman et se réfugie dans le squat de Christine qui va le repouser jusqu’à ce qu’elle accepte de l’aider. Là le Ciel va s’ouvrir pour elle et elle déplacera des montagnes pour retrouver la mère de l’enfant. L’arrachement qui suivra la replongera dans sa solitude mais elle aura par son regard, par le rayonnement d’une vie intérieure qui est passé à travers les brumes de sa souffrance fait revivre un enfant et sa mère.