Dimanche 18 novembre 2018

Il vient, Il est venu.

Dès le 2ème siècle avant Jésus-Christ, les apocalypses voient le jour dans la tradition biblique. Elles apparaissent souvent dans un contexte de détresse ou de persécution.

Le mot apocalypse signifie « lever le voile ». L’être humain qui souffre se demande pourquoi. Pourquoi n’y a-t-il pas de réponse au scandale du mal ? Pas de réponse ! Pas de réponse directe en tout cas ! Juste des pistes qu’il faut décrypter. Les textes apocalyptiques nous invitent à nous déplacer. Il s’agit de se placer du point de vue de Dieu qui nous invite à surplomber l’histoire de l’humanité et notre propre histoire pour relire et saisir l’enjeu. De ce point de vue, il est possible de comprendre que toute l’histoire se déroulent en lien avec ce qui se passe dans le Ciel. Dans le mal, la violence et l’injustice, Dieu n’est ni impuissant, ni indifférent. Dans la superbe vidéo que nous visionnerons après le repas communautaire, Jean Vanier est pris d’un fou rire. Il rit à la question qui surgit en lui. Es-tu le moteur dans la belle aventure de l’Arche ou es-tu celui qui est au gouvernail du bateau ? Grand fou rire, ce qu’i veut nous dire à la relecture de son histoire, c’est que le quartier général est ailleurs. Et oui, ça s’est joué ailleurs et il le sait. 150 communautés de l’Arche dans le monde et cela s’est fait parce que le moteur, le cap, les événements et les rencontres, c’est ailleurs. Jean, aussi donné soit-il, a réalisé que cela s’est passé vraiment ailleurs ; bien sûr pas sans sa disponibilité, son travail, sa pauvreté de cœur, le dépassement de ses peurs, mais l’essentiel s’est passé ailleurs.

L’histoire n’est pas une succession indéfinie d’actes et d’événements qui ne dépendraient que de nos décisions, souvent inconséquentes et liées à notre ego. Elles dépendent de l’action de Dieu en nos vies suivant son dessein d’amour pour notre humanité. Tout cela marche vers quelque chose : un objectif, un but. Les destins individuels et le destin collectif de l’humanité s’acheminent vers un «nouveau», imprévisible et impossible à dater. N’allons pas croire ce que certaines sectes qui affirment que la fin du monde est pour telle date. « Nul ne sait ni le jour ni l’heure, pas même le Fils », nous dit Jésus. C’est ce qu’on appelle la tension eschatologique qui dure depuis plus de 2000 ans. Que ce soit dans les écrits de Paul, dans l’Apocalypse de Jean ou dans les évangiles, l’annonce de la venue de Jésus en gloire s’accompagnent de deux choses: des signes d’ébranlement du monde. Ce bouleversement est le signe d’un changement, d’une rupture avec l’histoire. Un passage, une Pâque se prépare.

Le deuxième élément, c’est le jugement, annoncé dans beaucoup d’écrits apocalyptiques.

Sont décrits dans ces textes un trône où siège le juge souverain, de plus, on y trouve, comme dans un tribunal d’assises, un grand livre, des documents et des accusés. En effet comment, à la fin des temps, ne pas interpeler les prédateurs, comment ne pas nous repentir du mal que chacun d’entre nous a pu commettre? Le jugement, nous n’avons pas à le redouter car c’est l’anéantissement de ce mal dont le monde souffre et de notre propre mal.

La pédagogie du jugement, c’est de nous mettre devant l’importance de nos actes. Les actes bons sont appelés à résonner dans l’Amour de Dieu et les actes mauvais à être jugés pour nous en libérer, au cœur de notre repentir et dans la miséricorde de Dieu. Ce tri s’opère au cœur d’un Amour exigeant pour que tout notre être soit purifié en vue d’être en harmonie avec Dieu lui-même. Daniel Ange parle de ce temps comme un temps de sanctification car nous seront jugés sur l’amour mais aussi sur le non-amour par l’amour pur de Dieu.

Cependant, Jésus dit aussi : « Amen, je vous le dis: cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive. »
Jésus parle de deux événements, l’un que l’on peut dater et qui a déjà eu lieu et un autre qui fait partie l’attente eschatologique.

L’événement imminent quand Jésus parle, c’est la Passion et la Résurrection du Christ qui épouse l’humanité jusqu’en la blessure du monde. Dans le documentaire sur l’Arche, Jean Vanier raconte comment Dieu l’a travaillé, comment il l’a guidé vers les handicapés, les plus pauvres, ceux que l’on veut effacer, exclure, ceux que l’on méprise : Ce qui compte pour Dieu c’est l’accueil de l’autre aussi différent soit-il. Ce qui est au cœur de la vie chrétienne, c’est l’unité que permet la compassion compétente. Comment acquérir cette compassion compétente ? L’engagement, l’expérience de l’accueil, une formation autour de cette expérience, des connaissances en science humaine, la capacité de travailler en équipe et en réseau mais surtout un cœur de pauvre qui se laisse enseigner.

L’Amour de Dieu révélé en Jésus-Christ change notre regard et nous incite à fonder notre vie sur le Verbe de Dieu qui est le fondement de tout. Il est la Parole vivante mais pas seulement, Il est aussi un visage que nous pouvons voir: Jésus de Nazareth.

Cette vision de l’adorable visage du Christ est un chemin de liberté. Déjà maintenant nous pouvons plonger notre regard dans le sien. Pas de vie sans souffrance. Christ a traversé la souffrance et notre souffrance n’est plus l’ennemie de notre liberté. Certes, nous luttons pour en être libre. Mais nous luttons, non pas contre mais avec cette souffrance qui nous habite et dont nous ne voulons pas être l’otage. Grâce au Christ qui a visité la contingence de notre humanité blessée, notre terre est appelée à devenir œuvre d’art. Alors nous comprenons que nous sommes infiniment plus que tout ce que nous pouvons imaginer, que tout ce que nous pouvons appréhender.

Il y a en nous une parcelle d’éternité dans un vase d’argile. « L’homme passe infiniment l’homme ». Et c’est un écartèlement. Accepter cette tension intérieure de l’homme fait pour l’infini et qui cependant doit vivre la contingence, c’est vraiment consentir à ce que nous sommes : des êtres de chair ouverts à L’Esprit et appelés à la Résurrection.