dimanche 9 septembre

Effata, c’est accepter de s’ouvrir à la bienveillance de Dieu.


Croyons nous aux promesses messianiques ?

Croyons nous qu’un jour « les nations ne lèveront plus l’épée l’une contre une autre » (Is. 2.4), croyons nous que « le loup séjournera avec l’agneau » (Is. 11.6) ?

Croyons nous à la bienveillance de Dieu, à ses promesses ?

Croyons nous que Jésus est le Messie et qu’il a inauguré cette ère messianique tant espérée?

Le loup continue à vouloir manger l’agneau, les nations continuent à lever l’épée l’une contre l’autre. Cependant, Marc semble proclamer dans tout son évangile que Jésus réalise les promesses messianiques mais il proclame avec autant de force la difficulté à croire en cette radicale nouveauté annoncée.

Tout d’abord comment proclame-t-il l’avènement de cette nouvelle ère messianique, celle annoncée par Isaïe ?
« Alors se dessilleront les yeux des aveugles et s’ouvriront les oreilles des sourds. »
Juste après la guérison du sourd-muet en Décapole, Jésus va guérir un aveugle et là, cette fois-ci, non en territoire païen mais à Bethsaïde, en territoire juif (deux récits propres à Marc). Universalité du salut, libération, guérison, prédication qui ouvre les cœurs, tout est dit ! N’est-il pas le Messie ?
Pourquoi Marc dont l’évangile est vif, rapide et alerte, s’attarde-t-il sur la guérison du sourd-muet et la décrit avec beaucoup de détails.
« Jésus l’emmena à l’écart, loin de la foule, lui mit les doigts dans les oreilles, et, avec sa salive, lui toucha la langue.

Pourquoi une telle insistance et pourquoi décrire les gestes de Jésus comme des gestes de guérisseur?
C’est pour nous, l’assurance d’une incroyable proximité avec Dieu. Le contact physique ne rebute pas Dieu. Au contraire ! Il le recherche car il est porteur de force et de vie. Il rayonne irrésistiblement sa pureté et sa sainteté. Le moindre toucher de Jésus véhicule à la fois la santé physique et la vie dans l’Esprit. De plus, ces gestes sont accompagnés d’une parole Effata.

Le mot Effata est comme un appel à l’action souterraine de l’Esprit en cet homme.
Au delà de sa surdité, au delà de son psychisme, la parole de Jésus rejoint la profondeur de l’être de cet homme. Avec son consentement et son désir de rencontrer Jésus et d’être guéri, cet homme est rejoint dans le centre de son âme, là où agit la Parole du Christ.
Cette Parole fait ce qu’elle dit en lui et l’ouvre à la nouveauté du Royaume que Jésus vient inaugurer. Ainsi Jésus lui donne-t-il accès à un monde nouveau, une nouvelle écoute, un nouveau regard, une parole libre de tout ce qui l’encombrait.

Dans le gémissement de Jésus, c’est la sollicitude de Dieu qui rejoint le gémissement de l’homme dans sa précarité. Dieu livre l’Esprit et rejoint l’esprit de cet homme pour le rendre libre pour qu’il puisse écouter, parler, aimer.
C‘est pour nous toute l’efficacité des sacrements : proximité physique avec le Christ, efficacité des gestes sacramentels qu’accompagne une parole et qui réalise ce qu’elle signifie.

Marc précise que c’est les yeux levés au ciel que Jésus gémit ce cri Effata. C’est bien par le Père, dans la relation d’amour à son Père que Jésus inaugure l’ère messianique. Le miracle de Jésus sur cet homme est grandiose mais il doit rester discret, caché même si ceux qui ont constaté le miracle ne peuvent s’empêcher de le proclamer. Il doit rester caché car le vrai signe de cette nouvelle ère n’a pas encore été posé. Il faut attendre la Passion, la Résurrection et le don de l’Esprit Saint sur toute chair pour comprendre que la promesse messianique est accomplie et comment elle s’accomplit. La présence de Jésus, sa proximité restaure l’harmonie partout mais pas sans nous. La promesse messianique est accomplie en Jésus mais elle reste à s’accomplir en chacun de nous. L’ère messianique se déploie dans le monde à chaque fois que notre cœur l’accueille.

Du fait de notre surdité, combien de fois par jour faisons-nous l’expérience d’être incapable d’entendre l’autre dans la vérité de ce qu’il veut nous dire ?
A nous qui sommes sourds dans certains aspects de notre vie, nous est adressée cette parole : « Effata ! », « sois ouvert, ouvre-toi ! »
Au delà de notre handicap, cette parole vient résonner en nous, dans le fond de notre être, là où le Seigneur nous rencontre. Par notre consentement, les gestes du Christ nous re-façonnent, « le lien de notre langue se dénoue. »

Quand tout est radieux, lumineux, Il est là et Il travaille en nous, avec nous.
Quand tout est bouché, quand tout s’agite, quand nous sommes plongés dans le noir de la souffrance, croire ou même vouloir croire que Dieu agit au delà de tout ressenti, qu’Il est non seulement présent mais agissant en nous, c’est là l’expression suprême de notre liberté arrivée à un haut degré de maturité.

Croire que l’harmonie existe dans notre monde toujours en souffrance est un difficile acte de foi. Dans son évangile, Marc insiste sur cette difficulté en pointant du doigt la lenteur des disciples à croire. A de multiples reprises, en effet, l’évangéliste rapporte des paroles de Jésus non équivoques sur leur difficulté à entrer dans son mystère : par exemple, après la parabole du semeur, « Vous ne comprenez pas cette parabole ! Alors comment comprendrez-vous toutes les paraboles ? » (4, 13) ; à la fin de l’épisode de la tempête apaisée : « Pourquoi avez-vous si peur ? Vous n’avez pas encore la foi ? » (4, 40-41) ; et surtout après la deuxième multiplication des pains : « Vous ne saisissez pas encore et vous ne comprenez pas ? Avez-vous le cœur endurci ? Vous avez des yeux : ne voyez-vous pas ? Vous avez des oreilles : n’entendez-vous pas ? » (8, 18). Cette surdité et cet aveuglement subsisteront jusqu’après la Résurrection de Jésus : « Il leur reprocha leur incrédulité et la dureté de leur cœur parce qu’ils n’avaient pas cru ceux qui l’avaient vu ressuscité. » (16, 14).

Alors nous comprenons mieux la visée théologique de Marc dans son évangile; quoi qu’il en soit de nos lenteurs à croire, le temps messianique est bel et bien arrivé.
Et nous ? N’avons nous pas un grand désir d’ouvrir encore plus notre cœur à la radicale nouveauté de ce que Christ a inauguré dans son incarnation, sa Passion et sa Résurrection ? Nous avons compris que l’accomplissement messianique passe par notre cœur. C’est de notre responsabilité de chrétiens de nous approcher du Christ, de nous laisser enseignés, de nous laisser touchés, libérés, guérir par Lui, dans nos vies, nos relations, dans nos engagements familiaux, communautaires, professionnels, dans les sacrements, en Eglise.

La rentrée pastorale, dans une nouvelle configuration de son Conseil pastoral et de son presbytérium est, pour chacun d’entre nous, invitation à être à l’écoute du projet de Dieu sur la paroisse.

Je nous invite à laisser venir à nous ce qui va venir et à l’accueillir, comme proposition de la Providence, bien sûr avec discernement et engagement mais aussi avec un cœur qui écoute et qui se laisse rejoindre par le Seigneur.

« En Dieu, la volonté est pétrie par la grâce. Habitée de la divine douceur, [elle devient] douce. Elle veut sans vouloir, elle laisse aller, elle accepte la lassitude, elle ne se raidit pas contre l’inévitable. Mais elle tient le cap, imperturbable, elle maintient l’adhésion secrète à la vie, à l’amour, aux choses bonnes, à ce qui va venir et qu’il faudra vivre et vivre bien.