Fête du Saint Sacrement- Homélie du P. Bernard-Marie

Saint Sacrement année B.

« Prenez, ceci est mon corps
Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude. »
A Saint Leu, cela fait 40 ans que les fidèles peuvent communier au corps et au sang du Christ.
La constitution conciliaire avait discrètement recommandé la communion à la coupe. Cela n’a pas provoqué une adhésion enthousiaste du peuple chrétien, laïcs et clercs confondus… A quoi bon se compliquer la tâche en organisant la liturgie de façon à offrir la possibilité de la communion sous les deux espèces alors que l’on a tout reçu dans le pain consacré.

Pourtant, boire à la coupe est une pressente invitation de notre Seigneur. Je rends grâce pour St Leu qui permet depuis tant de temps de donner la possibilité de répondre à cette invitation. Pourquoi est-ce important d’offrir aux chrétiens cette possibilité ?
D’abord parce que le symbole du sang a valeur universelle.
Le sang est perçu comme le flux vital qui nourrit et anime le corps de l’homme. Il est plus que cela, il est le symbole du souffle de vie, de l’âme. Cependant l’expression « boire le sang » reste difficile. « Sang versé » exprime la violence du sacrifice du Christ. C’est vrai qu’à une époque récente, nous avions exagérément insisté sur le sacrifice de la messe, en tant que sacrifice sanglant, oubliant que c’est le Christ ressuscité qui agit dans l’Eucharistie, s’offrant et nous offrant au Père. Bien sûr, le Christ par son sang versé scelle l’Alliance nouvelle. Sang de Jésus et Alliance doivent s’éclairer mutuellement. Le sang de Jésus livré dans l’Eucharistie devient alors symbole de vie, de communauté de vie, de communion de destin et de vie spirituelle et ce jusque que dans ce qui est blessé, troublé en nous, entre nous.

« Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et moi je le ressusciterai ». Manducation spirituelle, à prendre comme réalité de l’amour de Dieu qui se donne à manger et qui se donne à boire.
Faut-il pour autant éliminer la notion de sacrifice sanglant du Christ. Certes non ! La mort a été librement consentie par le Christ, elle a été sanglante. Pourquoi fallait-il que Christ passe par là ? Rien à voir avec le dolorisme et ses relents de jansénisme. La souffrance, et en particulier la souffrance innocente est révoltante, écœurante. Rappelons-nous la phrase de Jésus à Gethsémani : « que cette coupe s’éloigne de moi ». Il déclare ainsi absurde la souffrance. Alors pourquoi Christ finit par accepter de s’y engager ? « Non pas ma volonté mais ta volonté. » C’est pour nous, pour la multitude que Christ s’engage librement dans le combat de l’amour contre la haine, de la vie plus forte que la mort pour donner à la souffrance un sens et susciter notre adhésion. Au creux de la souffrance, nous pouvons dire oui à Dieu, consentir non en justifiant la souffrance mais plutôt consentir à ce que le Christ par sa propre souffrance en fasse un lieu de rencontre et d’intimité avec Lui. Consentir non à la souffrance mais à l’amour de Dieu et ce jusque dans notre souffrance. Que pouvons nous donner à Dieu sinon notre consentement à l’Alliance ? Alliance, ce mot exige bien une réciprocité de don. La seule chose que nous pouvons Lui donner, le seul mérite qui est à notre portée, c’est dire oui à l’amour de Dieu en engageant toute notre liberté. Pourtant, nous savons bien que nous ne donnons rien. C’est Dieu qui donne tout y compris son amour pour Lui. Alors qu’avons nous donc à donner ? Ce que nous avons de plus précieux sur cette terre : notre liberté ! Au Ciel, c’est trop tard. La vie au Ciel aura quelque chose d’inéluctable et d’irrésistible. Nous serons emportés comme un fétu de paille sur l’océan. Là sera l’évidence de l’amour, un fleuve bouillonnant d ‘amour.
Chacun de nous prendra conscience que nous n’avons fait que recevoir, que nous n’avons jamais rien donné, hormis notre consentement.
Sur terre, nous pouvons donner. Dire oui à Dieu alors que nous pourrions lui dire non, voilà ce que nous pouvons donner et ce jusque dans nos épreuves, notre liberté imparfaite, notre péché. Si nous subissons des épreuves en ce monde, si notre oui à Dieu nous vaut des combats, c’est pour que Dieu au Ciel puisse nous dire « Tu m ‘as donné quelque chose. Je donne mais toi aussi tu donnes, nous donnons l’un à l’autre. Je me donne pour te remercier pour m’avoir donné quelque chose que tu aurais pu refuser. Maintenant tu ne peux plus rien me donner, mais ce que tu m’as une fois donné a valeur d’éternité ! » L’Eucharistie est le lieu privilégié où nous disons oui à Dieu.
C’est pourquoi le Concile affirme que « l’Eucharistie est la source et le sommet de la vie chrétienne ».
Avons-nous suffisamment soif pour venir boire à la source ? Faisons-nous de l’Eucharistie du dimanche le sommet de notre vie ? L’Assemblée du dimanche est-elle pour nous la rencontre à laquelle nous ne pouvons renoncer ?
L’Eucharistie, mystère de la rencontre ! Qui rencontrons-nous ? Rayonne-t-il de cette rencontre une « onde de charité » qui se diffuse dans toute notre vie ?

Citation de Philipe Cochinaux

L’Eucharistie est un véritable repas où se partage le corps et le sang du Christ, un véritable repas qui nous transforme et fait de chacune et chacun de nous des frères et sœurs dans la foi. Un peu comme s’il ne pouvait y avoir un sacrement de l’eucharistie sans que celui-ci soit préalablement précédé d’un sacrement du frère ou de la sœur. Communier ensemble à ce mystère est une invitation permanente à partir à la rencontre de l’autre, celle ou celui en qui Dieu inhabite également car ma relation à tout être humain renforce ma relation à Dieu. L’un et l’autre sont inséparables. S’il en est ainsi, la fête du corps et du sang du Christ n’est pas le mémorial d’un événement passé que nous célébrons chaque année. Non cette fête est notre fête car en communiant véritablement ensemble nous devenons les uns pour les autres et pour Dieu le corps et le sang du Christ sur cette terre. Il ne s’agit pas d’une fête à laquelle nous assistons. Il s’agit de notre fête.