3ème dimanche de Pâques année B

Pourquoi dit-on qu’il est vraiment ressuscité ? N’est ce pas suffisant de dire il est ressuscité ? Pourquoi insister en disant « vraiment » ou « en vérité » comme s’il nous fallait nous en convaincre nous même ? Certes la notion même de résurrection est une réalité qui dépasse l’expérience humaine. Cependant dans l’insistance du vraiment, il n’y a pas qu’un désir d’auto-persuasion. Ce sont plutôt des éléments pour répondre plus justement à la question d’une nouveauté radicale depuis la Résurrection.
Habituellement, comment reconnaît-on quelqu’un ? Par son intonation de voix, par son visage, son regard, sa silhouette, sa démarche, ses gestes, tout ce qu’il a de plus personnel. Dans toutes les apparitions de Ressuscité aux disciples, rien de tout cela. D’abord, on ne reconnaît pas cet être qui a été pourtant si proche. Les évangélistes emploient généralement un passif. Il est vu mais ce n’est jamais une action de voir, active, franche, précise. Impossible de le voir comme avant sa mort. « Il est vu, il est apparu, il se tient auprès d’eux » comme si ce monde des apparitions indiquait une autre modalité de présence. Toute la pédagogie du Ressuscité est d’installer les fondations d’une juste conception théologique de la Résurrection. Deux axes essentiels de cette leçon, de cette démonstration du Ressuscité.
– l’insistance du Christ est grande pour prouver la réalité corporelle de sa Résurrection. Cette démonstration est aussi pour nous. Ce sont ces fondamentaux que les disciples nous transmettent. Ressusciter n’est pas une manière de parler. Ce n’est pas seulement l’âme. « Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi. Avez vous quelque chose à manger ? »
– C’est le corps mais aussi l’histoire du Christ qui continue à faire des gestes qu’il a déjà partagés avec les disciples, des gestes connus : manger du poisson, se montrer dans un contexte familier, autour d’une table, sur le lac de Tibériade lors d’une pêche. Le ressuscité est bien celui que les disciples ont suivi, admiré, aimé. Son corps est bien réel, gardant les traces du travail accompli : ses plaies. C’est beau un corps qui a travaillé. Le travail de Jésus a été d’annoncer l’amour du Père. Un amour infini, inconditionnel, réparateur, libérateur. Aviez vous remarqué sur le visage de Mère Térésa les marques du travail de l’amour. Son beau visage tout ridé resplendissait de cet amour reçu et donné mais aussi de la souffrance de l’amour. Le visage de Charles de Foucaud, à la fin de sa vie amène au même sentiment : paix et joie, fruits d’un travail, d’une souffrance de dépassement, d’oubli de soi.
Tous ces témoignages du Christ ressuscité sont essentiels. Ils établissent la fécondité de l’amour. Cette fécondité est déjà visible, elle se laisse voir, elle est concrète, elle est inscrite dans la chair. L’amour du Christ ressuscité passe par la cohérence de l’événement proclamé de la Résurrection Il est vraiment ressuscité. Cet amour est à accueillir non seulement par la cohérence des Ecritures qui raconte « le dessein bienveillant de l’amour du Père, avant la fondation du monde » mais aussi par notre capacité à nous laisser ébranler toucher par cet amour. Rappelez-vous les disciples d’Emmaüs :
« n‘avions nous pas le cœur tout brûlant quand il nous expliquait les
Ecritures ? »
Dans la première lettre au Corinthiens, Paul raconte ce qu’on lui a transmis. Le christ a été vu par Képhas par les douze, puis par 500 frères à la fois (certains sont encore vivants, sous-entendu allez leur demander) et finalement il a été vu par moi.
Christ s’est laisse voir par Paul mais la manière dont le Christ s’est laissé voir par Paul est radicalement différente que celle destinée aux disciples. Ce n’est plus la même réalité. Le Christ qui lui apparaît est retourné vers le Père. C’est après l’ascension. Paul ne le voit pas à proprement parler. Il est aveuglé par une lumière qui le jette à terre et Il entend sa voix : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? » C’est le Christ de gloire qui lui apparaît. Dire la gloire de Dieu, c’est dire le rayonnement de l’amour infini qui est en Dieu. Paul en est aveuglé et retourné. L’histoire d’amour avec ses disciples continue dans son Corps que sont les communautés chrétiennes persécutées par Paul.
On comprend mieux alors, la raison des apparitions du Ressuscité aux disciples dans l’entre-deux. C’est un sas important entre Pâques et l’Ascension. Christ y est présent mais c’est une présence différente de celle d’avant. Elle est cependant dans la continuité de ce qu’ils ont vécu ensemble. La Résurrection est corporelle et dans le Corps du Ressuscité une radicale nouveauté : l’extrême intimité en Christ de Dieu et de l’homme et ce jusque dans ce qui est blessé n l’humain
Notre foi repose sur les témoignages qui disent que Christ est vraiment ressuscité : amour blessé, amour fécond qui se laisse trouver par ceux qui se laissent aimer rejoindre par cet amour.
N’ayons pas peur de nos fragilités, elles sont les portes d’entrées de cet amour. N’ayons pas peur, Dieu nous rejoint dans nos blessures, dans nos frustrations, nos déceptions, dans notre tristesse comme pour les pèlerins d’Emmaüs, dans notre repentir comme pour Pierre, dans notre quête d‘amour comme pour Marie-Madeleine, dans notre zèle pour Dieu mal orienté comme pour Paul, dans le oui douloureux de Marie au pied de la croix.

Méditation de Bertrand Révillon sur Pâques.

Pâques : heureuse minute où il nous est donné de croire que tout est encore possible, que nos existences, quelles qu’elles soient, peuvent se remettre debout, choisir enfin la liberté.
Pâques : bienheureuse minute où la nuit cède enfin le pas aux premières lueurs de l’aube.
Pâques : temps béni où nous pouvons enfin nous risquer à devenir ce que nous sommes : des marcheurs, des nomades, des aventuriers, les yeux rivés vers la Terre promise de notre propre résurrection.
Viens, Seigneur ! Viens, Esprit consolateur, abattre l’arbre mort de nos doutes, où Tu gis, inerte et crucifié.
Viens, Esprit créateur, habiter notre cœur pour mieux nous relever de l’intérieur. Écarte, de Ton Souffle, la cendre de nos vies et viens attiser la braise de notre espérance. Sois pour nous Parole qui guérit, Lumière qui éclaire, Amour qui transfigure.
Viens, Seigneur, nous murmurer à l’âme que, déjà, Tu es là.